Peut-on faire trop d’exercice? | Le Journal de Montréal

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Les décès de participants à des épreuves de longue durée comme les marathons relancent régulièrement le débat sur la quantité d’exercice physique appropriée pour rester en bonne santé cardiovasculaire. Une étude récente d’imagerie cardiaque(1) réalisée chez de vieux athlètes récréatifs ayant pratiqué un sport d’endurance toute leur vie laisse croire qu’au-delà d’une certaine limite, il y a des personnes très, très actives qui peuvent développer un «cœur de pierre».

Les artères du cœur obstruées

Nombreux sont ceux qui sont sujets au développement de maladies chroniques comme le diabète de type 2, une dyslipidémie (désordre dans le transport du cholestérol sanguin) et les maladies coronariennes.

Chez certaines personnes, une maladie coronarienne s’installe à cause de l’accumulation de cholestérol dans les artères du cœur. Celles-ci s’épaississent et se durcissent en raison d’un processus de calcification, et deviennent ainsi fragiles. Lorsque l’intérieur d’une artère se rompt, elle libère différentes substances qui produiront un thrombus (caillot), ce qui peut conduire à un infarctus ou à un accident vasculaire cérébral.

Mesurer l’athérosclérose

L’abondante littérature scientifique sur la façon de prévenir le développement de ces maladies est très claire. La pratique régulière d’activité physique, comme une bonne marche de 30 minutes, 5 fois par semaine, génère de nombreux effets cardioprotecteurs importants.

Mais peut-on faire trop d’exercice? L’angiographie par tomodensitométrie (technique d’imagerie) permet maintenant d’examiner la structure du cœur et de quantifier l’athérosclérose (obstruction) des artères coronaires de façon non invasive. À l’aide de cet outil, une équipe de chercheurs des Pays-Bas étudie depuis plusieurs années un groupe d’athlètes amateurs masculins initialement âgés en moyenne de 54 ans (étude MARC-1) qui ont été ré-évalués 6 ans plus tard (étude MARC-2)(1). Puisque 289 de ces hommes ont participé aux deux études, la stabilité ou la progression de leur athérosclérose a pu être évaluée. Il est aussi pertinent de mentionner qu’une proportion importante de ces athlètes amateurs s’entraînait à une intensité vigoureuse (44%) ou même très vigoureuse (34%).

Exercice vigoureux et calcification des artères coronaires

Les résultats de cette étude sont fascinants. La présence de calcification dans les artères coronaires des participants est passée de 52% à 71% pendant le suivi et leur score calcique a également augmenté en 6 ans. Par ailleurs, malgré leur entraînement régulier et vigoureux, une augmentation du nombre de plaques d’athérosclérose a été observée chez 75% de ces athlètes. Cela dit, les chercheurs n’ont observé aucune association entre le volume d’entraînement et les changements dans le score calcique ou le nombre de plaques d’athérosclérose. Toutefois, la pratique d’exercice très vigoureux était associée à la progression du score calcique d’où l’expression «cœur de pierre».

Les dangers d’un cœur de pierre – distinguer les gens très actifs des inactifs

Est-ce que faire trop d’exercice à haute intensité est dangereux pour des athlètes amateurs? Il faut faire attention de ne pas surinterpréter des images d’artères coronaires calcifiées. Dans la population en général, plus la calcification des artères coronaires est élevée, plus le risque d’infarctus augmente. Cependant, chez des athlètes, la valeur pronostique de ce score demeure incertaine puisque les athlètes ont des plaques d’athérosclérose plus stables et moins fragiles à la rupture, ce qui explique leur risque cardiovasculaire plus faible et leur espérance de vie plus longue que la population en général.

La question demeure donc entière: peut-on faire trop d’exercice? Dans une étude d’imagerie cardiaque, mon collègue à l’IUCPQ – Université Laval, le cardiologue Éric Larose, a d’ailleurs rapporté qu’après un marathon, les cœurs des coureurs avaient développé un œdème, mais que tout était rentré dans l’ordre après quelques semaines(2). Est-ce que le stress physiologique important associé à des épreuves de longue durée génère une réponse inflammatoire qui stimule le processus de calcification et qui expliquerait le «cœur de pierre» de certains athlètes d’endurance qui auraient abusé de leur corps et de leur cœur?

Être sédentaire et inactif, plus dangereux que d’être trop actif!

N’ayez crainte, la majorité d’entre nous ont de la marge avant de conclure que nous faisons trop d’exercice! Si vous pratiquez des sports de très longue durée et de haute intensité, faites-le par passion, pas nécessairement pour votre santé cardiaque. De plus, assurez-vous de toujours laisser le temps à votre corps et à votre cœur de récupérer, dormez bien et écoutez-vous. Si vous sentez une fatigue inhabituelle lors d’un entraînement que normalement vous feriez confortablement, parlez-en à votre médecin. Gardez à l’esprit qu’être sédentaire sera toujours beaucoup plus dangereux qu’être physiquement actif!

(1) Aengevaeren VL et coll. Exercise Volume Versus Intensity and the Progression of Coronary Atherosclerosis in Middle-Aged and Older Athletes: Findings From the MARC-2 Study. Circulation 2023;147(13):993-1003.

(2) Gaudreault V et coll. Transient myocardial tissue and function changes during a marathon in less fit marathon runners. Can J Cardiol 2013;29(10):1269-1276.

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